Au fil des registres: l'épidémie de choléra de 1854 en Isère
L'indexation croissante des registres d'état civil donne un accès direct aux actes recherchés et offre aux généalogistes un gain de temps considérable. Mais le relevé complet permet de repérer des évènements extérieurs qui ont touché nos ancêtres.
Alors que j'étudiais les registres du Bourg-d'Oisans pour démêler les cousinages et les homonymes, je remarquais une soudaine surmortalité.

Situé dans une plaine d'altitude, Le Bourg-d'Oisans est un carrefour où se rejoignent les six vallées de l'Oisans. Le bourg et ses hameaux isolés compte 3200 habitants lors du recensement de 1851. Les Bourcats se marient et vivent généralement sur place mais certains, travailleurs saisonniers ou colporteurs, font des aller-retours. C'est aussi un lieu de passage pour les étrangers à la commune.

Au début des années 1850, entre 84 et 99 décès sont enregistrés chaque année. La mortalité infantile est effroyable, elle représente 40% de ces morts, d'autant plus que la ville accueille des nourrissons de l'hospice de Grenoble.
Et soudain en août 1854, la mortalité explose. Phénomène encore plus surprenant, parmi les morts se trouvent des jeunes hommes, catégorie habituellement absente des registres de décès. Il est plus fréquent de trouver des jeunes femmes qui peuvent mourir en couches. Ainsi Antoine Vaccoux, dix-neuf ans, est l'un des premiers touchés.

Une étude plus complète des registres et un décompte de la mortalité mensuelle confirment qu'une épidémie a ravagé la ville entre août et octobre 1854. Puis la mortalité a décliné car les plus faibles étaient partis pour revenir à la normale en 1856.

La première hypothèse est bien sûr le choléra.
La troisième pandémie sévit de 1848 à 1860. Elle atteint la France en 1848 puis revient avec un épisode plus intense en 1853-1854. Cette vague est plus étendue et plus meurtrière, elle aurait fait plus de 140 000 victimes.
L'épidémie sévit aussi à Londres où l'un des fondateurs de l'épidémiologie, John Snow, démontre que la maladie est transmise par l'eau souillée. Il trouve la fontaine publique à la source de l'épidémie en établissant la cartographie des cas de choléra et des puits qu'ils utilisent.
Revenons au Bourg-d'Oisans, les registres ne montrent aucune surmortalité lors de l'épidémie précédente de 1832 qui a sévi surtout en région parisienne. Mais la maladie est confirmée en cette année 1854.


La propagation du fléau est mondiale. Deux jeunes Bourcats succombent lors de leur services militaires en Algérie et un autre à Rochefort.


Par la suite, plusieurs vagues moins meurtrières surviennent en France mais les autorités sont devenues plus vigilantes. Ainsi l'un de mes cousins lointains, Jean Louis Mitaine, est dispensé d'une période de d'instruction militaire lors de l'épidémie de 1884.

Sources :
- Archives départementales de l'Isère (9NUM/5E52/16, 9NUM/5E52/18, 11NUM/1R1047_061875).
- Paul Gachet Scène du choléra. Souvenir de l'épidémie de 1854 dans le Jura – 1890 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
- Archives nationales: Carte de la vallée de la Romanche entre Livet-et-Gavet et Le Bourg-d'Oisans, Atlas Trudaine pour la généralité de Grenoble, milieu du XVIIIe siècle
- Bnf: « Note statistique sur le choléra de 1832, 1849 et 1854 », Journal de la Société Statistique de Paris