Les généalogistes qui fréquentent assidûment les Archives départementales considèrent les actes notariés comme des sources inépuisables d'information, de surprise, de sourire parfois. Ils illustrent le quotidien de nos ancêtres.
Un exemple avec le compte de tutelle d'Amélie de Brie qui donne un aperçu de la vie d’une adolescente de la haute bourgeoisie à la fin du XIXe siècle.
Amélie de Brie est née le 29 avril 1874 à Taizé en Saône-et-Loire, seconde des trois enfants d’Émile de Brie, propriétaire et maire de la commune descendant d’un famille de la noblesse de robe, et de Gabrielle de la Porte, fille d’un baron normand. Le couple s’est marié à Camembert dans l’Orne en 1871. Probablement mal assortis, quarante-sept et vingt-trois ans lors de leur union, ils se séparent dix ans plus tard et le père obtient la garde des enfants mais décède en 1886.
Amélie est âgée de sept ans lors de la séparation, de douze lors du décès de son père. Le conseil de famille refuse la tutelle à sa mère mais cette dernière emmène ses filles dans l’Eure, laissant son fils en pension à Taizé. Le Tribunal prononce la déchéance de sa « puissance paternelle » en juin 1890. Amélie est confiée à la garde du sieur Rouast, avocat à Lyon.
Le compte de tutelle établi à sa majorité couvre cinq ans de vie de la jeune fille, de seize à vingt-et-un ans. Jean Rouast note tout, de l’achat de deux bœufs pour l'un des domaines familiaux (1030 francs) à celui d’un transport avec le tramways de Villeurbanne (45 centimes). L'acte comprend 71 pages.
Les principales dépenses sont le paiement du pensionnat à Mâcon, les frais de voyages pour s'y rendre, ceux de domestiques et dames de compagnie ainsi que leurs émoluments. Les dernières années, Jean Rouast remet directement de l’argent à Amélie et ne détaille plus l’utilisation des sommes.
Pendant ses voyages, la jeune fille fait de menus achats (ombrelle, gâteaux et bonbons). Elle consomme des « mandarines et fruits glacés ».
Au fil des ans sont listés ses achats en pantoufles, souliers et lacets, pièces pour ses ouvrages de broderie et tapisserie, vêtements et bijoux, « calicot pour taies d’oreiller ». Elle part une fois en vacances et une autre fois en Normandie où sa sœur vient de mourir.
Une dépense importante concerne l'achat de son trousseau en vue du mariage.
Le 23 avril 1896, à vingt-deux ans, Amélie de Brie se présente donc « libre » devant le notaire lyonnais qui rédige son contrat de mariage. Elle apporte en dot le trousseau acheté en 1892, les rentes et obligations conservées pendant sa minorité, ses domaines personnels et ceux indivis avec son frère. Elle épouse Charles Condamin, un ingénieur militaire. Ils ont trois enfants et résident 3 quai Saint-Clair (quai André Lassagne) à Lyon où Amélie décède le 27 novembre 1929 à l’âge de cinquante-cinq ans.
Ses avoirs ont été parfaitement gérés puisqu’on les retrouve lors de sa succession, assortis de quelques apports supplémentaires.
Sources : Archives départementales de Saône-et-Loire (cotes 6 FI 7355 ; 3E16428) ; Archives départementales de l’Eure et du Rhône; Archives municipales de Lyon; Peinture : Jeune fille lisant – Antoine-Emile Plassan, musée des Beaux-Arts Reims