Nos ancêtres n'étaient pas tous sédentaires. Au XIXe siècle, de nombreux marchands et colporteurs, forains, bateliers, rémouleurs sillonnaient la France et les pays limitrophes.
Comme mes arrière-arrière-grands-parents, des vanniers ambulants alsaciens. Comment déclaraient-ils leurs enfants?
Une énigme et enfin une piste
Pendant des années, avant la numérisation de nombreux documents, je restais bloquée en 1870, naissance de mon arrière-grand-père Joseph Luxemburger dans la voiture de ses parents vanniers ambulants "de passage" à Ville-sur-Jarnioux dans le Rhône.
Deux pistes: le lieu de naissance du père à Oberrœdern dans le Bas-Rhin, et leur sédentarisation à Lyon quelques années plus tard. Où s'étaient-ils mariés, avaient-ils d'autres enfants?
En 1872, Alsaciens présents à Lyon, ils optent pour la nationalité française, et Louis "Maurice" a la bonne idée de mentionner tous ses enfants vivants à cette date, alors qu'il n'y était pas obligé puisqu'ils étaient nés hors d'Alsace. Je pouvais enfin remonter la piste. Et chercher un mariage avant 1856, puisque Marie l'aînée avait 16 ans.
La recherche des actes et du mariage
Pas de Marie Luxemburger à Azille dans l'Aude, pas de commune appelée Onis pour Paul ! Enfin je dénichais les actes de Michel, Pierrette, Thérèse et j'avais celui de Joseph (déclaré né à Villé! même le Bulletin des Lois peut contenir des erreurs).
Mais toujours pas de mariage... la famille parcourait les routes de l'Alsace à l'Aude en passant par la vallée du Rhône, il semblait difficile d'éplucher toutes les escales possibles ! Enfin l'acte fut indexé, Louis Luxemburger et Catherine Christ s'étaient mariés à Gleizé dans le Rhône en 1865, neuf ans après la naissance de Marie.
Reconnaissance de trois enfants légitimés lors du mariage
- Marie est née à Azille dans l'Aude en 1856, mais pas de déclaration dans le registre. Soit le couple a oublié, soit ils se sont trompés de commune.
- Paul est bien retrouvé dans les registres d'Homps, dans l'Aude en 1859. Il est né "dans le chariot". L'officier d'état-civil a eu des difficultés à comprendre l'accent de ces lointains visiteurs: il les appelle "Luxembourg", se trompe dans le prénom de la mère (tout est rectifié par le Tribunal), les déclarent originaires de Sohtoum-Villers (Stundwiller, Bas-Rhin).
- Michel "Luxembourg" est né en 1863 à Genouilleux dans l'Ain, "en passant".
Dans ces deux actes le père, Louis Luxemburger, est le déclarant et Catherine Christ "son épouse". Affirmation acceptée sans problème par l'officier d'état civil.
Un mariage et de nouveau la route
Gleizé est un gros bourg du Beaujolais. De nombreux marchés et foires ont lieu dans cette riche région. Probablement une bonne occasion pour se fixer le temps de publier les bans et de la cérémonie. D'ailleurs on trouve quatre autres mariages de vanniers ambulants, Alsaciens, Suisses ou Allemands entre 1863 et 1865 dans le village.
Le couple s'est marié le 1er décembre 1865 et reprend aussitôt la route.
- Pierrette naît à Morancé dans le Rhône, deux mois plus tard le 26 janvier 1866, mais chez un habitant qui a eu la gentillesse d'ouvrir sa maison en plein hiver.
- Thérèse "Luxembourger" vient au monde "dans la voiture" en 1868, à Tain-l'Hermitage dans la Drôme.
- Joseph est né, nous l'avons vu, "dans la voiture" "de passage" en 1870 à Ville-sur-Jarnioux dans le Rhône
- Marie-Jeanne, la benjamine, naît à domicile à la Croix-Rousse à Lyon en 1873, après la sédentarisation de la famille.
Au final j'ai pu reconstituer leur parcours ainsi que celui des frères de Louis, Chrétien et Georges, terrassiers et ouvriers itinérants.
Conclusion
Les métiers itinérants étaient fréquents, les familles se déplaçaient parfois sur de longues distances. J'ai depuis retrouvé de nombreux exemples de parcours similaire à celui de mes ancêtres.
Partis sans prendre la peine de se marier, les couples déclaraient et reconnaissaient leurs enfants "au passage".