J’ai toujours été fascinée par la somme d’évènements et de découvertes techniques que ma grand-mère paternelle a vécus lors de sa traversée du vingtième siècle.
Enfance et éducation
Marie-Louise Pirodon est née le 1er septembre 1895 dans le quartier « gare et usines » de la commune de Bouvesse-Quirieu dans l’Isère. Son père François Pirodon est chaufournier et sa mère Louise Mitaine ouvrière en soie, ménagère et nourrice.
Elle grandit au milieu d’une fratrie de neuf enfants (sur quatorze au total). À sa naissance trois de ses aînés sont morts, trois sœurs et un frère l’accueillent : Marie douze ans, François six ans, Joséphine quatre ans et Pauline dix-sept mois. Six autres suivront : Charlotte seize mois après elle, puis Félix qui ne vit que trois mois, Joseph, Marguerite, Thérèse et un dernier fils mort-né.
Les revenus sont insuffisants, la famille s’occupent de petits Lyonnais mis en nourrice et place ses enfants comme domestiques dès l’âge de dix ou douze ans.
Vingt ans déjà que l’école est « gratuite et obligatoire » lorsque Marie-Louise fait sa rentrée en primaire en octobre 1901. Mais il faut souvent garder les vaches et aider sa mère, elle devra réapprendre à lire à l’âge adulte et je la verrai déchiffrer avec attention son journal chaque jour.
En 1911, à l’âge de 16 ans, elle est domestique chez un tulliste au 4 rue de Mailly à Caluire-et-Cuire, une artère située à la limite du plateau de la Croix-Rousse, près de l’hôpital du même nom. Elle sert plusieurs familles lyonnaises jusqu’à son premier mariage.
Famille
Marie-Louise épouse le 5 septembre 1916 à Saint-Benoît (actuellement Groslée-Saint-Benoît) dans l’Ain Robert Carpentier chapelier originaire de Saint-Ouen-l’Aumône en Seine-et-Oise (actuelles Yvelines). Ils sont âgés de vingt-trois et vingt-et-un ans et s'installent à Lyon. Après quelques années en Bretagne ils reviennent dans le Rhône. Deux fils sont nés, Pierre en 1918 et André en 1923.
Jeune veuve de trente-et-un ans et mère de deux enfants à la disparition de Robert en 1927, elle réside rue Vendôme puis 25 rue de l’Hôtel-de-Ville (rue Edouard-Herriot) jusqu’à la fin de sa vie. Elle rencontre Gabriel Luxemburger (1909-1969), tourneur ajusteur, avec lequel elle se remarie et a trois autres enfants.
Elle meurt à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans le 1er juillet 1990 à l’Hôtel-Dieu de Lyon et est inhumée dans l’ancien cimetière de la Guillotière à Lyon 7ème avec son premier mari et son fils André.
Guerres et maladies
Marie-Louise est âgée de dix-huit ans lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale. La tuberculose fait rage en ce début du XXe siècle. Son premier mari Robert Carpentier et son frère François contractent la maladie dans les tranchées et sont renvoyés chez eux où ils meurent à trente-quatre et vingt-sept ans.
Ses sœurs Joséphine et Pauline décèdent à dix-neuf et vingt-quatre ans en 1911 et 1918. Je n’ai pas de renseignement sur la cause de leur mort.
La Seconde Guerre mondiale lui prend son fils cadet André Carpentier mort le 11 novembre 1944 à vingt ans (voir les articles qui lui sont consacrés). L’aîné avait été affecté dans un bataillon de l’air et démobilisé en 1941.
Son dernier fils est appelé en Algérie.
Sociétés et techniques
Née sous la Troisième République, elle vit dans la zone « libre » lors du gouvernement de Vichy, suit les soubresauts de la Quatrième République et peut enfin voter pour la première fois à l’aube de ses cinquante ans. Elle participe quelques années plus tard au référendum qui adopte la Cinquième République.
Dans la vie quotidienne ma grand-mère se chauffait et cuisinait avec son poêle à charbon, lavait dans une bassine. Les sanitaires étaient à l’extérieur de l’appartement. Elle écoutait la radio, n’a jamais eu de voiture ni de téléphone et la télévision est arrivée dans son salon en 1964. Je ne pense pas qu’elle ait su que l’ordinateur avait été inventé. Aucun misérabilisme dans ces propos, elle ne se plaignait pas, juste une mesure de la rapidité avec laquelle tous ces objets se sont imposés.
Sources : photographie personnelle ; Archives départementales de l’Isère (cote 123M81) ; Archives départementales de l’Ain (FRAD001_EC 2015 14) ; Archives municipales de Lyon (2E2963); Archives départementales du Rhône (6M547) ; Archives départementales des Yvelines (cote 1R/RM 488) ; Retronews