Rien de tel qu'une succession complexe pour semer la zizanie dans une famille. La situation peut s'avérer encore plus délicate pour la seconde épouse d'un petit propriétaire.
Claudine Jacquet est née le 16 avril 1824 à Saint-Martin-d'Estréaux dans la Loire. Son père Claude Jacquet, ancien soldat de Napoléon, a épousé à son retour Marie Périsse, une domestique. Il travaille comme journalier et se déplace beaucoup. Il oublie même de déclarer Claudine qui aura besoin de faire établir un acte de notoriété lorsqu'elle se mariera.
Claudine perd ses deux parents à un an d'intervalle et se retrouve orpheline à sept ans. Ses grands-parents sont morts, elle n'a que deux tantes, peut-être vit-elle avec l'une d'elles.
Elle est âgée de trente-et-un ans, mère d'un fils de quatre ans né de père inconnu et enceinte de six mois, lorsqu'elle épouse le 25 juin 1855 à La Pacaudière un veuf de soixante-quatre ans. Jean Marie Abonde Allier (1791-1877) est cultivateur propriétaire. Il ne reconnait pas le premier enfant mais l'élève au moins jusqu'à ses dix ans avec ceux nés de son union avec Claudine: Claude en 1855, Annette en 1858 et Jean en 1871. Jean Marie a quatre-vingts ans à la naissance du benjamin.
La famille habite une petite maison au nord du bourg et possède deux terrains dans la commune. Les fils deviennent tisseurs, Claudine et sa fille Annette sont canneteuses.
En 1874 Jean-Marie fait une donation à son épouse de la jouissance de la moitié de ses biens. Lorsqu'il meurt le 9 avril 1877 à quatre-vingt-six ans, Claudine espère probablement continuer à résider dans la maison familiale.
Mais c'était sans compter sur la réaction des enfants du premier mariage ! Jean Marie en a eu six avec Marguerite Vial, trois ont quitté depuis longtemps le village, un fils Jean Marie est mort célibataire et deux filles sont décédées avec enfants.
Les héritiers sont donc:
- Claude Allier, cocher à Paris
- sa jumelle Claudine Allier, couturière, épouse Pourcher concierge place Bellecour à Lyon
- les filles de Marie morte en 1860: Eugénie Desvigne, tisseuse à Roanne et sa sœur Elisabeth Desvigne encore mineure.
- les fils de Thérèse décédée en 1869: François Bocquet soldat à Vincennes et son demi-frère Amable Bocquet mineur vivant à Lyon (voir U comme Union avec son beau-frère)
- Claudine Juliette Allier, femme de chambre, épouse Vial commissionnaire à Lyon
contre:
- Claudine Jacquet, la seconde épouse avec ses trois enfants: Claude Allier et les mineurs Annette et Jean Allier
Tout ce petit monde se retrouve au tribunal civil de Roanne. Le juge ordonne la vente par licitation: "attendu que les successions de Marguerite Vial et de Jean Marie Allier père et les communautés qui ont existé entre les époux se composent de quelques valeurs mobilières de peu d'importance et de quelques immeubles situés à La Pacaudière, consistant en une maison presque en ruine, une parcelle de vignes d'une contenance de vingt-deux ares, sise au lieu de Rieuttes et une terre de la contenance de soixante douze ares sise au lieu dit Brisson; que ces immeubles sont évidemment impartageables en nature, eu égard à leur peu d'importance et aux droits des nombreux héritiers, qu'il y a donc lieu de les liciter..."
Claudine Jacquet part vivre à Roanne avec ses enfants après la vente des biens. Elle a reçu 408 francs pour elle et les deux enfants mineurs (un peu plus d'un an de salaire des ouvriers du textile de cette époque). Elle meurt chez sa fille Annette à l'âge de soixante-treize ans le 29 janvier 1898, sans aucun bien à transmettre.
sources: Archives départementales de la Loire (cotes 3E164_10; 6M347; 1712VT20_15; 2U2/111)