Nos ancêtres vivaient souvent au sein de familles recomposées, conséquences de nombreux veuvages. Pierrette Bujadous, enfant trouvée de la Charité de Lyon, mariée à deux reprises, mère de six enfants et belle-mère de cinq autres en est un parfait exemple.
Pierrette est déposée au tour de l'hospice de la Charité avec un billet "À Lyon le 17 mai 1830 à 9 heures du soir a été déposée au tour de la Charité une fille nommée Pierrette Bujadous".
Aussitôt après son baptême et sa déclaration en mairie elle est placée chez une nourrice à Yenne en Savoie. Elle connait plusieurs familles d’accueil pendant sa petite enfance et commence à travailler comme domestique agricole à l’âge de douze ans. Elle quitte alors la Savoie et vit à Conzieu puis au hameau de Sault à Villebois dans l’Ain.
À l’âge de vingt-six ans, le 24 février 1857, elle traverse le Rhône pour se marier à Bouvesse-Quirieu dans l’Isère. Elle passera le reste de sa vie au hameau de Quirieu.
Joseph Grand, son premier mari est âgé de trente-quatre ans, veuf depuis onze mois et père de trois enfants : Marie-Thérèse, sept ans ; Benoit, cinq ans et Jean-Marie deux ans.
La première année de leur union n’est pas très heureuse. Marie-Thérèse meurt en août et la première fille de Pierrette ne vit qu’un mois. Deux autres enfants suivent, Marie en 1858 et Claude en 1860. Hélas leur père décède le 25 novembre 1861 à quarante-neuf ans.
Pierrette est seule avec quatre mineurs de moins de dix ans.
L’année suivante en 1862 Louise Grand, jeune sœur de Joseph, décède à trente-trois ans. Elle est la mère de Marie, quatorze ans, et de Jean-Marie, dix ans.
Pierrette Bujadous épouse son beau-frère par alliance, le veuf de Louise Grand, Joseph Anthelme Naly. La voici à la tête d’une famille qui comporte ses deux enfants, une belle-fille et un beau-fils nés du premier mariage de son époux précédent, et pareillement une belle-fille et un beau-fils issus de son nouveau mari.
Soit six petits à nourrir. Et deux nouvelles naissances. Mais le premier fils Louis ne vit que deux mois, et son beau-fils Jean-Marie Grand, placé chez des voisins comme « petit domestique », meurt à l’âge de huit ans.
Quand six ans plus tard en 1868 le deuxième époux de Pierrette décède, elle a trois enfants de moins de dix ans, une belle-fille Marie Naly, vingt ans, qui part à Lyon et devient tisseuse, et deux beaux-fils âgés de seize ans qui peuvent travailler. A noter que ces deux garçons Benoit Grand et Jean-Marie Naly sont cousins germains.
Le 29 janvier 1869, Pierrette accouche d’une fille, sa sixième enfant biologique. Le père de la petite Françoise Bujadous reste inconnu et l'enfant meurt à l’âge de sept ans.
Lorsque Pierrette s’éteint le 5 juin 1879 à quarante-neuf ans, six des onze enfants qu'elle a élevés sont parvenus à l’âge adulte. Ses deux enfants biologiques Marie et Claude Grand lui donneront quatorze petits-enfants.
Même si sa vie fut difficile et courte, Pierrette fut une rescapée car la mortalité des enfants déposés au tour de l’hospice de la Charité était très élevée. Et ses descendants ont pu reconstituer son histoire.
Sources : Archives municipales de Lyon (Registres des enfants abandonnés des Hospices civils de Lyon (17è-19è siècles); réception CH_4Q088 ; placement CH_4Q243 et CH_4Q265). Archives départementales de l'Isère. Peinture: Jeune paysanne avec trois enfants à la fenêtre – 1840 – Ferdinand Georg Waldmüller- collection de peinture de l’Etat de Bavière